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Les deux cas de tricherie révélés lors de la Solitaire du Figaro Paprec en septembre dernier ont estomaqué l’univers de la course au large. La triche s’était-elle déjà invitée à bord des autres monotypes Figaro 1, 2 et 3 ? Enquête.
Forcément, cette tricherie a ébranlé le monde de la course au large. Au point de se demander si ces deux cas étaient isolés ou pas. « On a contrôlé tous les bateaux, donc les 32 autres ordinateurs des Figaro 3 », précise Georges Priol, président du jury. Bonne nouvelle, seuls deux ordinateurs ont révélé une fraude.
Ce qui fait dire à Jean-Bernard Le Boucher, président de la Classe Figaro Beneteau, que « la fraude est très rare, c’est un phénomène isolé et, fort heureusement, nous avons les moyens nécessaires pour vérifier que ça ne se produise pas ».
Il a raison. Jamais les marins et les bateaux n‘ont autant été contrôlés depuis l’arrivée, en 2019, du Figaro 3 équipé de foils. Un passeport a même été établi dès le lancement du monotype. Ainsi, chaque Figaro 3 possède sa fiche dans laquelle tout est noté, numéroté, mesuré : de la tête de mât, au bulbe de quille en passant par les safrans, les foils, les voiles, etc. Ce qui offre une vraie traçabilité.
« Si tu parlais, tu étais une balance »
Cette question de la triche, nous l’avons posée à plusieurs acteurs du circuit Figaro et le moins que l’on puisse dire, c’est que ça ne s’est pas bousculé pour s’exprimer sur le sujet. Nous avons essuyé plusieurs refus polis mais gênés. « Ola, sujet très sensible » a-t-on souvent entendu.
Hier coureur et aujourd’hui préparateur, le Carantécois Damien Cloarec, qui a connu les Figaro 2 et 3, est l’un des rares marins à avoir eu le courage de parler : « En Figaro 2, il y a eu de la triche mais personne ne voulait en parler : si tu parlais, tu étais une balance. On savait tous que ça bidouillait pas mal. En revanche, je tiens à dire que ce n’est plus du tout le cas en Figaro 3 où la classe a fait un super boulot. Depuis 2019, le maître-mot, c’est « dehors les tricheurs » ».
La classe a même embauché un shérif, Christian Ponthieu, qui veille au respect des règles. Des règles qui n’ont pas toujours été respectées à l’époque du Figaro 1 et surtout du Figaro 2, où ça naviguait entre petites optimisations et grosses bidouilles. L’optimisation consistait à flirter avec les limites des règles connues. Disons qu’il y avait certaines tolérances, la règle de base était la suivante : « Tout ce qui n’est pas autorisé est interdit ». Il y avait ceux qui optimisaient et ceux qui bidouillaient : « Ça, c’était clairement de la triche », note un Figariste qui préfère garder l’anonymat : « Car ce sont des sujets encore sensibles ».
Triple vainqueur de la Solitaire du Figaro, avec deux succès en Figaro 1 et un autre en Figaro 2, Michel Desjoyeaux joue la transparence sur le sujet : « Les règles n’étaient pas suffisamment bien faites en Figaro 1 et même en Figaro 2 ».
Et le Professeur d’évoquer ouvertement les bulbes de quille rechargés avec de la résine densifiée au plomb : « Il n’y avait rien qui nous interdisait de le faire : on avait le droit d’enduire les quilles, on ne trichait pas ». Selon lui, le boulot d’un compétiteur n’est « pas seulement d’aller faire de la voile mais de trouver les solutions pour aller plus vite avec ton bateau. Donc d’aller à côté de la règle, en la respectant ».
On comprend que tout était question d’interprétation et de compréhension des règles.
40 carottages en Figaro 2
En Figaro 2, soit de 2003 à 2017, ça bidouillait essentiellement sur les œuvres vives, donc sur tout ce qui était sous l’eau. Citons juste les joints de quille que certains strataient entre la coque et le voile de quille. Autre bidouille connue, celle des coques : en hiver, quelques monotypes se voyaient retirer le gel coat de la coque pour le remplacer par une peinture plus légère. Cette tricherie avait d’ailleurs contraint la classe à procéder à des carottages : « Si je me souviens bien, 40 coques de Figaro 2 avaient été carottées et il y en avait au moins 15 qui étaient limite limite pour ne pas dire plus… », raconte ce même Figariste à la dérobée.
Au fur et à mesure que la classe découvrait les bidouilles ou les optimisations, la jauge évoluait.
Plusieurs histoires étonnantes circulent toujours sur les pontons, notamment celle de ce Figaro 2, réputé très rapide, qui aurait été vendu avec interdiction faite au nouveau propriétaire de revenir courir sur le circuit Figaro. Afin de ne pas être contrôlé par les jaugeurs sans doute…
En revanche, sur la Cap-Istanbul 2008, un autre cas de grosse triche a bien été découvert lors de la deuxième étape. Tandis que la pétole s‘est installée sur le plan d’eau, Antonio Pedro da Cruz, pas le plus rapide du circuit, traverse la flotte et remporte à la surprise générale l’étape en Sicile : « Je suis content de ma navigation, je n’ai pas hésité à traverser la flotte avec comme seule idée d’aller vite. Résultat, ça a payé… »
Le Cap-Verdien a juste oublié de préciser qu’il a utilisé le moteur pendant plusieurs heures : il s’était confectionné une « pince maison » pour remettre en place le plomb du moteur. Pedro da Cruz s’était fait rattraper par la patrouille avant d’être exclu de la course.
« Ça, c’était une autre époque. Aujourd’hui, ce n’est plus du tout la même histoire, selon Damien Cloarec. Il est quasi impossible de tricher sur le Figaro 3 ».
D’où la tentation d’aller jouer sur d’autres paramètres extérieurs, comme le dopage (NDLR : les premiers sont régulièrement contrôlés aux arrivées) ou la météo. Nul besoin d’avoir un bateau trafiqué pour aller vite à partir du moment où vous avez la possibilité d’avoir ce que les autres n’ont pas, à savoir des fichiers météo récents. Aller vite, c’est bien mais aller au bon endroit, c’est mieux.
Le zéro triche n’existe pas, surtout dans un sport mécanique. Certains arrivent bien à cacher des moteurs électriques dans le cadre d’un vélo…
« La classe Figaro Beneteau a fait un gros boulot de surveillance, ils ont blindé la monotypie : ça échange beaucoup entre coureurs, préparateurs et jaugeurs », ajoute Georges Priol qui travaille en toute transparence avec la classe et les skippers.
Les trois Figaro Beneteau
Figaro 1 : imaginé par le Groupe Finot, il a été fabriqué de 1989 à 2002 (120 exemplaires produits).
Figaro 2 : imaginé par l’architecte naval Marc Lombard, il a été fabriqué de 2003 à 2017 (98 exemplaires).
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