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Stéphane Kandler : « Un projet Coupe de l’America n’est pas beaucoup plus cher qu’un projet Ultime »
Stéphane Kandler, 53 ans, co-directeur du défi français Orient Express Team, s’est engagé pour la troisième fois sur la Coupe de l’America qui se déroulera cette année Barcelone. Voici la première partie de l’entretien (1/3).
Coupe de l’America, la grande interview de Stéphane Kandler
Episode 1 : Stéphane Kandler, patron du Défi français : « Un projet Coupe de l’America, ce n’est pas beaucoup plus cher qu’un projet Ultime » Episode 2 : «Franck Cammas était indispensable au projet français pour la Coupe de l’America», selon Stéphane Kandler, sortie mercredi 27 mars Episode 3 : « On a envie de ramener cette Coupe de l’America en France », affirme Stéphane Kandler, patron du Défi français, sortie jeudi 28 mars
La voile, ça a commencé quand pour vous ?
Je suis venu tard à la voile, sur un bateau de croisière avec ma famille et je me suis mis à faire des régates à la fin des années 80 sur un First 38, puis sur un First 51. La famille, installée à Toulouse, s’est prise au jeu et on est allé plus loin dans la régate. Quand j’étais étudiant à Montpellier en école de commerce, je naviguais le week-end à Sète, à côté de la base de l’America’s Cup de la campagne du défi français mené par Marc Pajot. En 1983, j’ai suivi la victoire des Australiens et l’épopée French Kiss. Nous n’étions pas des voileux chez les Kandler mais ces exploits sportifs m’ont marqué et le virus de l’America’s Cup est arrivé à ce moment-là. La voile a pris de l’importance dans ma vie.
Au point de commencer à importer des bateaux…
À la fin de mes études, j’ai décidé d’importer un bateau américain, le Mumm 30, dessiné par Bruce Farr qui était la star de l’architecture navale de l’époque. C’était en 1996. En 1989, on avait aussi lancé K-Yachting, un chantier spécialisé dans la course et les régates : on louait des bateaux comme le JOD35, First Class Europe, Figaro. Au début, nous étions basés à Gruissan et on a ensuite déménagé au Cap d’Agde et enfin à Saint-Mandrier près de Toulon. Nous étions vraiment spécialisés dans la location et la préparation des bateaux de courses, activité qui se développait de plus en plus. Avant cette période-là, personne n’imaginait pouvoir louer un bateau de course.
J’ai monté trois startups dans la voile avec de grandes ambitions, où on était suivi par de grandes marques et il a fallu tout vendre et recommencer à zéro. J’ai donc repris le domaine viticole familial après le décès de mon père : ma mère ne voulait pas s’en occuper, mes sœurs non plus. Ce vignoble se situe au Château Tourril dans le Minervois, entre Narbonne et Carcassonne. Tant qu’à changer de vie et à quitter la mer, même si la terre et la mer sont très proches puisqu’elles vous imposent ses règles, je suis passé en bio, j’ai développé l’export : ça a bien marché, j’ai acheté un deuxième domaine et la covid est passée par là. C’est aussi un milieu fait de turbulences mais avec de la passion, on arrive parfois à déplacer des montagnes. Quand c’est dur, c’est plus intéressant
On a le sentiment que Coupe de l’America a toujours été l’épreuve qui vous a fait rêver ?
Je l’ai dit, nous sommes venus très tard à la voile mais ça tombe dans cette période où les Australiens battent les Américains. J’ai toujours été fasciné par le sport et les histoires qui s’en dégagent. En France, pays très voileux, on a connu l’épopée Marc Pajot donc tout cela a nourri inconsciemment une passion pour la Coupe de l’America. Depuis Pajot, j’ai suivi toutes les éditions, j’ai eu la chance d’y aller en 1992 et mon père, passionné comme moi par les bateaux, a croisé Bruno Troublé : Bruno est devenu skipper et barreur de notre bateau, il nous a mis à la régate.
De là à engager un défi français sur la plus vieille compétition sportive au monde…
Le parcours est linéaire parce que le Mumm m’a permis de commencer à aller chercher des sponsors, à organiser des événements, skippé des bateaux. Cela m’a appris à manager des projets importants. Quand j’ai décidé de me lancer, j’ai monté ma première société pour l’importation du Mumm 30. Tout le monde me disait que je n’y arriverais jamais mais le Mumm 30 est devenu le bateau du Tour de France à la voile. C’est devenu ma première réussite et cela m’a donné le goût, ça m’a montré que je pouvais monter des projets importants. J’ai beaucoup bossé avec Luc Gelusseau et Pierre Mas à une époque et en 2001, j’ai lancé K-Challenge. Là encore, on m’a dit que je n’allais pas y arriver mais j’ai convaincu l’Américaine Dawn Riley de nous rejoindre pour essayer de construire quelque chose à l’anglo-saxonne, un peu comme moi qui suis mi-français, mi-allemand. Très multiculturel. Avec très peu de moyens, de fil en aiguille, on a monté une équipe. Ensuite, on a convaincu Aigle, puis DCNS, Canal + et enfin Areva. Là, on a réalisé notre rêve de participer à l’America’s Cup, d’être Challenger officiel. On avait déjà monté une collaboration avec Team New Zealand en 2003 car on avait acheté leur bateau d’entraînement, qui avait gagné le Cup en 2000, et un design package.
Avez-vous eu parfois le sentiment que vous n’étiez pas pris au sérieux avec vos projets face à des marins comme Loïck Peyron, Bertrand Pacé ?
En 2001, quand je me lance, personne ne me croit. Entre 2001 et 2003, Areva était toujours intéressé mais, en réalité, il y avait trois défis avec le trio Luc Gellusseau-Pierre Mas-Xavier de Lesquen, la paire Loïck Peyron-Bertrand Pacé sur Team France. Il aurait été plus simple de s’associer, on s’est parlé et je n’étais pas en phase avec la stratégie générale. J’avais une idée très précise de ce que je voulais faire et, sans prétention, nous sommes arrivés au bout. On a formé une génération de gens avec des Guillaume Verdier, Benjamin Muyl, Bruno Dubois : nous étions une équipe jeune, différente, sans moyens mais qui est allée au bout. En 2007, j’avais réussi à convaincre une personnalité française de financer un projet dans sa totalité, on avait 60 millions d’euros de budget. Pour la première fois en France, on démarrait en même temps, mais l’histoire a voulu que les Suisses d’Alinghi et les Américains d’Oracle s’écharpent et tout est tombé à l’eau. Je suis parti sur autre chose, notamment l’Audi Med Cup qui s’est arrêtée fin 2012. J’avais déjà monté trois startups, mon père (*) est décédé en 2013, je me suis dit que j’avais essayé.
Pourquoi est-ce si difficile de trouver de l’argent en France pour monter un projet Coupe de l’America ?
En voile, la France est très gâtée. Si on fait le cumul de tous les budgets de tous les circuits, du Mini 6.50 jusqu’à l’Ultime, cela représente énormément d’argent. Il y a plus d’argent de sponsors dans la voile française que dans le monde entier, America’s Cup comprise. Et c’est tant mieux. Le monde entier envie la voile française. Tous se demandent comment est-il possible d’avoir autant d’écuries, de projets, de courses, de skippers stars. De l’America’s Cup, les gens ont l’image d’une épreuve de milliardaires, d’un événement qui coûte cher. L’arrivée du foil, qui date de l’époque Éric Tabarly, a montré que cette épreuve restait l’incubateur des technologies. Le foil a rendu les bateaux plus excitants et cela rapproche les deux mondes, celui de la course au large et celui de la Coupe de l’America. L’America’s Cup a retrouvé son statut d’incubateur de l’innovation même si c’est compliqué à lire pour le grand public car, contrairement aux grands événements, on ne connaît pas toujours en avance la date, le lieu. Mais dans tous les sports, on trouve des milliardaires plus ou moins déguisés, comme le PSG avec le Qatar. De 2007 à récemment, la Coupe de l’America était trop éloignée des Français, elle avait lieu aux Bermudes et ensuite en Nouvelle-Zélande.
Le fait que l’édition 2024 se déroule en Europe, à Barcelone, ça change la donne ?
Oui, complètement. Quand je suis reparti en 2021, on ne savait pas encore que la Cup aurait lieu en Europe. Ce qui a changé, c’est le retour au monocoque. C’est plus simple à comprendre pour le grand public, un multicoque reste une machine un peu bizarre. Les monocoques à foils sont devenus spectaculaires, l’America’s Cup est rentrée dans un cycle plus vertueux avec une vision sur le long terme. 2021, c’était le bon moment pour revenir sur la Coupe. Quand je voyais des équipes avec des budgets faramineux, de 100 à 150 millions d’euros, se faire ratatiner par les Néo-Zélandais…
Parlons argent maintenant : quel est votre budget ?
Moins qu’un tiers de budgets que je viens de citer : je ne peux pas donner de chiffre mais on est très loin des budgets de ces grosses équipes. Mais n’oublions pas que la référence, c’est Team New Zealand qui démontre depuis près de 40 ans qu’un pays de cinq millions d’habitants réussit toujours à aller en finale ou à gagner la Coupe de l’America. La France a ce potentiel et l’un de nos objectifs dans cette campagne est d’arrêter de dire que la Coupe de l’America, c’est cher. Je suis désolé mais un projet America’s Cup, ce n’est pas beaucoup plus cher qu’un projet Ultime. Oui, il y a des budgets délirants comme il y en a dans le football et dans d’autres sports mais ça reste accessible. En France, on a une chance énorme d’avoir des chantiers, des ingénieurs, des architectes, des marins, des courses. Le savoir-faire est là. La seule contrainte, c’est que dans l’imagerie populaire, il est plus difficile d’aller lever des fonds sur un événement qui n’est pas récurrent, contrairement au Vendée Globe qui a lieu tous les quatre ans. Et ça, c’est rassurant pour les sponsors, je le comprends très bien. Mais le circuit SailGP est arrivé et apporte une récurrence qu’il n’y avait pas avant. On a le même niveau en SailGP que dans l’America’s Cup, avec les mêmes concurrents.
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